Le temps de l’entreprise n’est pas le temps de l’immédiateté. Les choses mettent du temps à se mettre en place et… c’est tant mieux. En prenant le temps de grandir, on prend le temps de recruter et de fidéliser les bonnes personnes pour se développer sur des fondations plus stables tout en étant vigilant aux impacts sociaux, environnementaux et économiques de nos actions.
Notre économie n’a pas besoin que de licornes, elle a besoin d’un écosystème d’entreprises de toutes tailles, solides et résilientes. Ce qui est plus facile à obtenir quand on fait le choix de la croissance « douce » ou organique, comme nous allons le voir ci-après.
2022, bienvenue dans le monde de l’immédiateté !
Depuis plusieurs années, grâce à l’essor d’internet et de géants du web capables de nous livrer à peu près tout ce que nous souhaitons en quelques clics, nous avons pris l’habitude d’avoir tout ce que nous souhaitons avec très peu d’efforts.
Notre désir de posséder est assouvi immédiatement par un objet que l’on oubliera parfois en moins de temps qu’il n’en aura fallu pour nous le livrer.
Le vendeur est gagnant : c’est un bon moyen d’augmenter son chiffre d’affaires grâce à des achats compulsifs, le client pas toujours et souvent, ce sont l’environnement et les salariés de ces entreprises et de leurs intermédiaires qui sont perdants.
Le business de l’immédiat a pourtant encore de beaux jours devant lui. C’est en tous cas, ce que pensent les investisseurs qui ont fait des quelques sociétés qui livrent « vos courses en quelques minutes » des licornes en 2021.
Plusieurs d’entre elles ont à l’époque dépassé le milliard de dollars de valorisation. Pour quel chiffre d’affaires et quel niveau de marge ? Je serai curieuse de le savoir…
La valorisation de ces entreprises tient plus à l’impact que l’on pense qu’elles vont avoir sur nos façons de consommer demain qu’à leur valeur réelle aujourd’hui, peu importe les conditions de travail des salariés et l’impact sur notre environnement d’achats d’impulsion que l’on aurait pu éviter.
Cette volonté d’accélérer le temps et d’obtenir tout rapidement est désormais partout : aussi bien dans nos vies personnelles que dans nos vies professionnelles.
On ne veut plus attendre pour voir son entreprise se développer. Il faut très vite pouvoir : soit lever des fonds pour les entreprises les plus gourmandes en capitaux, soit faire exploser son chiffre d’affaires pour celles qui opèrent dans des domaines avec moins de barrières à l’entrée.
Pourtant cette fuite en avant pour avoir plus de résultats financiers plus vite n’est pas sans impact sur nos entreprises.
Trois clés financières pour une croissance saine
Le Robert définit l’entreprise comme une « organisation de la production de biens ou de services à caractère commercial ».
Cette organisation permet de créer de la valeur : pour le client évidemment mais aussi pour l’entreprise qui reçoit de l’argent en contrepartie, ses salariés et ses sous-traitants qui peuvent ainsi être rétribués pour leur travail.
Une entreprise est donc un système de création de valeur. Cette valeur se mesure d’un point de vue financier évidemment mais aussi social et environnemental dans un monde où les ressources sont limitées.
Clé #1 : La rentabilité
D’un point de vue financier, le premier indicateur de la valeur crée par l’entreprise est sa rentabilité. Trop souvent mise de côté dans la culture entrepreneuriale où l’on mesure le succès d’un dirigeant à son chiffre d’affaires et/ou aux fonds qu’il a levé, la notion de marge reste peu évoquée.
Les entreprises communiquent peu sur leurs marges pour des raisons de confidentialité et de concurrence. Ce silence amène certains à penser que la rentabilité n’est pas un indicateur clé. Ce sentiment est renforcé dans les start-ups qui visent une croissance rapide. Grandir vite, cela se fait souvent au détriment de la rentabilité.
Il faut du temps pour bien connaître son marché et ses clients : Il faut identifier sa cible, savoir où et comment la chercher pour pouvoir utiliser les bons leviers d’acquisition et ensuite mettre en place une stratégie gagnante. Cela passe par des tests à petite échelle, des échanges avec les clients… Il faut mesurer les résultats sur un temps long.
Une stratégie de contenu, par exemple, ne fonctionne qu’après des mois de travail. En voulant gagner du temps, on pourrait être amener à l’arrêter avant de bénéficier de ses effets positifs.
Par ailleurs en voulant tester trop de techniques commerciales en même temps, on risque de ne plus être en mesure de faire la part des choses et de savoir ce qui a vraiment fonctionné.
Je me rappelle cette entrepreneure qui m’avait dit « pour avoir des résultats avec les relations presse dans mon domaine, il faut plus de 5 ans ». 5 ans, c’est plus long que l’horizon d’investissement de nombreux financeurs.
A vouloir aller trop vite et à ne cibler que le chiffre d’affaires on peut donc rapidement : dégrader sa rentabilité globale en investissant ses ressources sur les mauvais outils et aussi aller vers du chiffre d’affaires « peu rentable » pour l’entreprise.
Clé #2 : Solidité (du bilan financier)
L’attention portée aux marges de la société va aussi permettre de renforcer plus vite : le bilan de la société et notamment : ses capitaux propres et sa trésorerie… Une entreprise qui a un bilan plus fort c’est une entreprise plus résiliente qui est capable de mieux résister aux crises qui risquent de se multiplier au cours des prochaines années.
J’ai pu le voir au moment de la crise du covid dans les entreprises avec lesquelles je travaille : certaines, pourtant touchées par des fermetures à répétition, ont plutôt bien résisté à la pandémie, alors que d’autres, opérant pourtant dans des secteurs plus épargnés, ont beaucoup souffert malgré les aides de l’état.
La différence entre ces deux catégories de société : la qualité de leur bilan et leur niveau de trésorerie. On ne peut pas savoir de quoi demain sera fait mais on peut travailler pour renforcer la résilience financière de son entreprise en travaillant sur l’amélioration des marges, la réduction du besoin en fonds de roulement etc…
Clé #3 : La pérennité
J’évoquais plus haut la valeur ajoutée créée par une entreprise. Celle-ci ne s’analyse pas sur un an ou deux, elle s’analyse sur le long terme à l’aide d’indicateurs financiers mais aussi sociaux et environnementaux.
La valeur créée par l’entreprise on la retrouve dans son résultat en fin d’année mais aussi dans les salaires qui ont été distribués, dans la sécurité et la stabilité apportée aux salariés, dans l’environnement de travail, les mesures prises pour réduire l’impact des activités de l’entreprise etc.
Une entreprise solide financièrement c’est une entreprise pérenne et qui représente un facteur de stabilité pour son dirigeant et ses salariés.
Le développement des startups et leur culture des levées de fonds successives, internet et sa promesse d’accès rapide à un marché énorme : tout cela nous pousse à vouloir plus, plus vite.
Et si l’on remettait le temps long au centre de l’attention ?
Mettre du temps à développer son entreprise c’est moins impressionnant mais c’est le quotidien de nombreux entrepreneurs qui choisissent la croissance organique maîtrisée.
C’est de ceux-là dont nous devrions nous inspirer car leur approche de long terme les aide à créer des relations de long terme avec leurs clients, des équipes fortes et soudées et leur permet d’œuvrer pour impacter positivement le monde à leur niveau.